Les trois glorieuses de léquipe de France
Semblables à des symphonies inachevées, les trois épopées de léquipe de France en Coupe du monde nont pas survécues au cap des demi-finales, un stade de lépreuve où le Brésil en 1958 puis lAllemagne en 1982 et 1986 ont déposé un linceul sur les illusions tricolores.

Instigatrice de la Coupe du monde, par lentremise de Jules Rimet et Henry Delaunay, la France a disputé neuf des quinze phases finales. Si certaines participations ont été éphémères, la trilogie entamée en 1958 en Suède, poursuivie en 1982 en Espagne et conclue au Mexique, en 1986, demeure inscrite dans les mémoires.

Invariablement, la trajectoire des "Bleus" sest brisée en demi-finale, véritable Cap Horn de la compétition.

1958

La divine surprise. La France recueillait peu de suffrages avant cette 6e Coupe du monde en Suède. Laccumulation de contre-performances lors de la saison 1957-58, une victoire en sept matches, accentuait ce scepticisme. Paul Nicolas, le patron des "Bleus" ignora les critiques. Il sappuya sur une ossature rémoise réhaussée par le stratège madrilène Raymond Kopa et confia lentraînement à léquipage Batteux-Snella. En "séminaire" dans leur retraite de Koppaberg, les tricolores se sont forgés un moral dacier. Ils ont dabord étrillé le Paraguay (7-3) avant de disposer de lEcosse (2-1). En quart de finale, lIrlande-du-Nord était balayée (4-0). Seul le Brésil du jeune Pelé, 18 ans, stoppa lascension des Français (5-2). Cette large défaite sest dessinée après la blessure du capitaine Robert Jonquet, victime dune fracture du péroné. En 1958, on ne remplaçait pas un joueur. Dans la finale des battus, la France tirait un ultime feu dartifice aux dépens des Allemands, tenants du trophée (6-3). Avec un quadruplé, Just Fontaine portait son total à treize buts, un record encore inégalé. Inspirée par Kopa, son "architecte", la France se singularisait par sa radieuse personnalité offensive, son esprit constructif et lintelligence de manoeuvre de son attaque.

1982

Inoubliable et bouleversante Séville. Vingt-quatre ans après la Suède, la France a connu une campagne aussi fructueuse en Espagne. Lobjectif initial du groupe de Michel Hidalgo, laccession au second tour, était rempli péniblement, la France dominée par lAngleterre (3-1) se qualifiant au bénéfice dun nul contre la Tchécoslovaquie (1-1). Epargnée par le sort, elle enlevait ses deux matches suivants face à lAutriche (1-0) et lIrlande-du-Nord (4-1). LAllemagne se dressait sur sa route en demi-finale. Dans la nuit andalouse de Séville, cette confrontation entrait de plain-pied dans la légende de la Coupe du monde, égale sur le plan de lintensité au dantesque Italie-Allemagne, en 1970 au Mexique. Lagression impunie de Schumacher sur Battiston, linsoutenable prolongation où les Français passèrent par toutes les couleurs de larc-en-ciel émotionnel: les souvenirs se bousculent et sentrechoquent. Créditée de deux buts davance grâce à Trésor et Giresse, la France, comme le Brésil plus avant dans la compétition fut victime de ses qualités. Elle est tombée pour avoir voulu porter le football trop haut. Le rite impitoyable des tirs au but lui fut fatal (3-3, 5 tab à 4). Les Polonais la privait de la médaille de bronze (3-2). Aux yeux des observateurs, la bande à Platini passait pour la nation ayant pratiqué le football le plus dense, le plus chatoyant et le plus complet.

1986

Un sentiment dinachevé. Auréolée par son titre de champion dEurope, la France abordait le mondial mexicain comme un prétendant à la récompense suprême. La France bâcla son entrée en matière face au Canada (1-0) avant détaler son savoir-faire contre lURSS (1-1) et la Hongrie (3-0). Les Français justifièrent ensuite leur statut de favoris en éliminant en 8e de finale lItalie, le champion du monde en titre (2-0), puis le Brésil, lépouvantail de lépreuve (1-1, 4 tab à 3). Ce succès matérialisé à lissue de la séance presque inhumaine des tirs au but a marqué lapogée de laventure tricolore. La France sétait largement ouvert la voie de la finale, en omettant de considérer lAllemagne à sa juste valeur. Compétiteurs nés, les Allemands pas géniaux mais toujours présents dans les grandes occasions, simposaient à la régulière (2-0). La France se consola avec lobtention de la 3e place, aux dépens de la Belgique (4-2), rejoignant sa devancière de 1958. Au final, elle na toutefois pas su saisir sa chance au moment où elle paraissait la mieux armée avec son expérience et sa maturité pour rompre le sortilège des demi-finales. Il lui aura manqué peu de choses, certainement un Platini à cent pour cent de ses moyens, pour défier lArgentine de Maradona.